Sébastien Degorce – Spécial Utopiales
Interview réalisée par Le Journal de Civray le 30/10/2013
Notre journaliste a eu la surprise de rencontrer à Nantes, lors des Utopiales (salon consacré à la science-fiction et au fantastique, ndlr) un éditeur qui connaissait. et même très bien, Civray.
Sébastien Degorce est un jeune éditeur parisien qui collabore aux Éditions Angle mort, une revue électronique de littératures de genre (science-fiction, fantasy, fantastique).
Le Journal de Civray : Bonjour Sébastien Degorce. Merci de vous présenter, ainsi que votre revue numérique, Angle mort, à nos lecteurs.
Sébastien Degorce : Bonjour. Je suis éditeur dans le domaine du technique, mais ma passion est la science-fiction : j’en écris, mais je fais également partie d’une équipe qui travaille depuis un an sur un projet qui s’appelle Angle mort, sur le postulat de publier quatre nouvelles tous les trois mois (deux nouvelles d’auteurs très connus et deux nouvelles de jeunes auteurs en devenir). Nous venons de sortir le dernier numéro (#5) juste avant les Utopiales.
C’est une revue numérique qui propose en fait des contenus en ligne, les nouvelles peuvent être lues gratuitement sur écran, ou la totalité des fichiers être téléchargée en e-book (formats .pdf, e-pub ou .mobi). Pour 2,99 €, vous avez le fichier du numéro complet contenant les textes des nouvelles et les interviews de leurs auteurs.
JdC : Comment devient-on éditeur ?
SD : On devient éditeur ?! Ah là là, c’est beaucoup de travail ! Moi je suis éditeur, mais c’est plutôt secrétaire de rédaction ou assistant d’édition qu’on devrait dire, parce que je fais de la mise en pages, de la lecture, de la correction, de la réécriture.
Rien à voir avec un éditeur traditionnel qui crée sa boîte – parce qu’il faut un fric monstre !
Quand j’ai commencé à travailler dans I’édition, je devais faire un stage. J’étais fan de Moorcock, et quand on m’a dit… « Tu vas travailler à l’Atalante », j’ai fait des bonds de joie. Cela m’a permis de rencontrer beaucoup de gens très vite, alors que j’étais un Berrichon, petit-fils de paysans poitevins, qui arrive à Paris et qui devient éditeur.
Et ainsi, dans ce cadre et du jour au lendemain, j’ai pu rencontrer Sébastien Cevey, qui dirige maintenant la revue ainsi que David Queffélec, Christophe Duchet (aka Sneed) et Laurent Queyssi. Et toute cette équipe a donné naissance à Angle mort.
C’est vraiment un projet dans lequel je me suis senti bien tout de suite, et ça s’est confirmé : au bout d’un an, je me rends compte que ces personnes-là ont une exigence.
Car si nous donnons sa chance à un auteur sur un texte, il nous faut quelque chose en plus : on ne veut pas de textes manichéens, le bien contre le mal, ni surfer sur une niche ou une mode. Nous publions des textes transgenres, pas forcément difficiles d’accès, mais qui demandent un effort de lecture. Ce n’est pas de la littérature purement de divertissement, il y a de la recherche, voire même des récits expérimentaux, et notre gageure est de publier des choses qui ne sont pas consensuelles.
Et pour l’instant, apparemment, les gens aiment : depuis que la revue existe, on a eu à peu près 4 500 téléchargements. On a pris des risques et notre revue a déjà acquis une certaine « légitimité » dans le milieu : des sites comme Bifrost ou ActuSF ont fait de bonnes critiques sur nous.
JdC : Vous avez également une édition papier ?
SD : Non, seulement numérique, mais nous proposons différents formats pour les différentes tablettes du commerce, en plus de la lecture sur ordinateur.
JdC : Vos projets pour Angle mort ?
SD : Continuer à faire quatre interviews par numéro, et maintenant proposer un feuilleton de Léo Henry : à côté du site, il y aura une interface avec sa propre identité graphique qui lui sera dédiée.
Également, pouvoir permettre aux gens qui arrivent et qui découvrent Angle mort en prenant un abonnement de pouvoir recevoir gratuitement les premiers numéros déjà parus.
Et puis essayer de rétribuer de manière sérieuse nos auteurs, qu’on ne pouvait se permettre de payer, ou alors de manière symbolique, contrairement à nos traducteurs : maintenant, nous commençons à trouver des solutions pour pouvoir les rémunérer et par conséquent élargir notre offre.
JdC : Comment sélectionnez-vous vos auteurs ? Vous lancez des appels à textes ?
SD : Non, nous les recrutons. Notre but est de publier des nouvelles vraiment inédites, aussi, pour les textes inédits en France et publiés dans d’autres pays, nous contactons les auteurs et traduisons leurs nouvelles. Nous allons les chercher dans des anthologies anglaises ou américaines, et si le texte plaît à la personne qui fait cette première sélection, nous prenons directement contact avec l’auteur ou son agent.
Jusqu’ici, nous avons réussi à avoir des auteurs plutôt connus, comme William Gibson dans le dernier numéro : ils nous suivent tous !
Également, ponctuellement, certains auteurs sont allés sur le site, et nous ont envoyé directement leurs textes.
Et parfois, nous commandons également des nouvelles : nous demandons à certains auteurs d’écrire une nouvelle sur un sujet dont ils ont déjà parlé.
Quand elle arrive, nous l’annotons, car il y a tout un travail en amont : c’est une revue numérique, mais nous faisons quand même un vrai travail d’éditeur. Nous recevons les textes, les corrigeons, les réécrivons avec l’auteur, nous avons créé une charte graphique… c’est clairement une valeur ajoutée.
JdC : Combien y a-t-il de personnes dans l’équipe ?
SD : Les fondateurs sont trois, et le noyau dur comprend six personnes.
Vous trouverez sur le site tous les noms des traducteurs, les personnes qui s’occupent de générer les e-books, de gérer la communication…
Personnellement, je participe aux interviews, recrute des auteurs, corrige les textes, fais partie du comité de lecture, mais mon gros travail est de tout relire, de m’assurer qu’il n’y ait pas une seule faute, une seule coquille, et de retravailler les textes avec les auteurs.
JdC : Et pour nos lecteurs du Journal de Civray, nous rappelons que vous êtes originaire de la région…
SD : Mon père a passé une partie de sa jeunesse dans le Berry, mais sa famille est de Civray, où il est né. Mon oncle, ma tante, mes cousins, habitent encore Saint-Macoux, où, enfant, je partais tous les ans en vacances (une anecdote : j’avais une peur terrible du vélo, et mes cousins et surtout mon oncle avaient pour mission de m’apprendre à en faire !).
JdC : Un dernier mot pour nos lecteurs ?
SD : Je voudrais dire bonjour à tous les gens qui m’ont connu quand j’étais petit, à Civray et à Saint-Macoux. Et puis surtout, ce que j’aimerais dire, c’est que l’édition change, que la France a beaucoup de retard et a peur du numérique, mais que nous essayons de participer à cette période charnière de défrichage.
Aussi que, si des gens, dans le Poitou ou la région de Civray, veulent aller sur Internet et consulter mes nouvelles, ils peuvent le faire gratuitement.
Et si jamais ils veulent connaître un peu plus nos auteurs et notre démarche, ils peuvent télécharger et regarder nos interviews.
François Boutet